Le 75e Festival de Cannes qui a ouvert ses portes le 17 mai est l’occasion de se pencher sur le présent et le futur du cinéma africain. Le foisonnement de projets, de créations, mis en avant lors d’événements comme le Fespaco, ne masque pas le retard pris par cette industrie.
Afin de débattre de l’avenir du cinéma africain, l’Unesco organise une conférence débat dédiée à la promotion de cette industrie, le mardi 24 mai, à Cannes. Ce rendez-vous, qu’il sera possible de voir en ligne, a pour but de mettre l’accent sur l’« immense potentiel » de développement du secteur cinématographique en Afrique, explique l’organisation internationale, qui profitera de l’occasion pour décrire ses initiatives.
« Le cinéma est varié et créatif sur le continent africain, avec une nouvelle génération de professionnels talentueux et engagés. Si des réformes nationales commencent à faire leur apparition pour soutenir ce secteur, elles doivent toutefois être consolidées par des engagements régionaux et internationaux. Le cinéma africain a besoin de la coopération internationale pour se réaliser et se développer », commente Ernesto Ottone Ramirez, sous-directeur général pour la culture de l’Unesco.
Cette réunion comptera sur la présence d’Emira Ben Saâd, coordinatrice générale du projet Sentoo, au Centre national du cinéma et de l’image de Tunisie. De Cecilia Cenciarelli, coordinatrice générale du projet African Film Heritage, Film Foundation, cher au cinéaste américain Martin Scorsese. De Naomi Kawase, cinéaste et ambassadrice de bonne volonté de l’Unesco pour les industries culturelles et créatives. De Laza (Madagascar), réalisateur et président de l’Alliance panafricaine des scénaristes et réalisateurs. Et d’Alex Moussa Sawadogo, délégué général du Fespaco.
D’importantes lacunes
Dans l’ensemble, le secteur cinématographique et audiovisuel africain reste historiquement et structurellement sous-financé, sous-développé et sous-évalué, ne générant que 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel sur un chiffre d’affaires potentiel estimé à 20 milliards de dollars, selon la Fédération panafricaine des cinéastes, cité dans une étude récente.
De nombreux aspects de l’industrie demeurent informels, puisque seuls 44 % des pays disposent d’une commission du film et 55 % d’une politique cinématographique. Lorsqu’elles existent, les règles sont parfois perçues comme des obstacles plutôt que des soutiens.
Un fléau : le piratage. Au moins 50 % du chiffre d’affaires potentiel du secteur est perdu en raison de l’exploitation illégale des contenus audiovisuels créatifs, ce qui décourage souvent les investissements structurés.
Les lacunes sont importantes en matière de formation. Très peu nombreux, les cursus diplômants restent plus théoriques que pratiques et ne suivent pas le rythme des avancées technologiques. Des difficultés persistent aussi dans les domaines sensibles comme l’égalité des genres. Sur ce point, la dynamique est un peu plus favorable dans le reste de l’Afrique, notamment au Maroc et en Tunisie. Reste que le cinéma africain évolue aussi dans un environnement contraint, qui conduit à l’autocensure.
En matière d’infrastructures, au sein de la chaîne de valeur cinématographique et audiovisuelle en Afrique, le segment de la distribution connaît de profonds changements. S’il a souffert de la crise sanitaire, de nouveaux investisseurs arrivent, notamment dans les pays francophones. Bien sûr, le Nigeria est le leader dans ce domaine, le nombre de salles ayant triplé entre 2015 et 2020…
Du côté des diffuseurs, le segment de la télévision payante est dominé par l’opérateur sud-africain Multichoice (20,1 millions d’abonnés), le chinois StarTimes (7,8 millions) et le français Canal+ (6 millions) et continue de se développer. Du côté de la télévision gratuite, le passage à la TNT n’a pas conduit à l’explosion attendue, car le bassin publicitaire reste restreint. Les professionnels signalent néanmoins le dynamisme des séries télévisées africaines, notamment en Côte d’Ivoire et au Sénégal.
La réunion sera visible sur la chaîne de l’Unesco.